Propriétés Le Figaro

Portrait

Yves Gosse de Gorre, paysagiste-jardinier, L’orfèvre de la nature

© Denis Paillard

Lauréat des “Jardins visités”, “Premier jardin de France”, ce passionné de la nature récolte les prix comme il sème ses nouvelles plantes, exposées dans son jardin hors normes de Séricourt, dans le Pas-de-Calais.

Il a la poésie des artistes, la modestie des orfèvres qui n’ont plus rien à prouver. À Séricourt, dans le Pas-de- Calais, où il s’est posé en 1985, Yves Gosse de Gorre a créé un jardin qui ne ressemble à nul autre. “J’ai fait ce métier avant tout par passion, précise-t-il. Séricourt s’est présenté à ma femme et moi lorsque nous nous sommes mariés et nous avons voulu transformer l’endroit en petit paradis. Je suis amoureux des plantes, des contrastes, volontiers provocateur ; ce que j’aime, c’est donner du plaisir aux visiteurs, pas seulement de la beauté et des surprises.” Récolter ce que l’on a semé. Peut-on imaginer plus belle expression pour Yves Gosse de Gorre, formé à l’école supérieure du jardin et du paysage d’Anderlecht, en Belgique ? À Séricourt, il joue avec “la forme et le flou, l’ombre et la lumière, le tout et les détails, le plein et le vide, l’humour et le dramatique, la mise en scène et la spontanéité” et ose l’opposition entre l’ordre et le désordre. L’oiseau n’est pas tombé trop loin du nid, puisque Séricourt ne se trouve qu’à une dizaine de kilomètres du lieu où il a grandi. “Je suis le sixième d’une famille de neuf enfants, explique- t-il, une grande famille issue du milieu agricole, et j’ai beaucoup observé ma grand-mère jardinière.” Fidèle à la région, il y crée sa petite entreprise de paysages dans les années 80 et ouvre une pépinière, parce qu’il ne trouve pas les variétés de plantes qu’il cherche pour réaliser les parcs et jardins qu’on lui commande. Son jardin personnel lui sert alors de laboratoire pour tester différentes associations, mais aussi de nouvelles plantes. Posséder un jardin se révèle essentiel pour le pépiniériste, car il en tire des enseignements sur le comportement des espèces qu’il commercialise. Très vite, le “laboratoire” se transforme en jardin plein de surprises, aux ambiances différentes. Ses proches et amis, qui en profitent, poussent Yves Gosse de Gorre à le développer, et celui-ci se prend au jeu. Au fil des saisons, il dessine ainsi ce qui est aujourd’hui devenu un “Jardin remarquable”, label national qui lui a été décerné en 2004, suivi de près par le prix Premier jardin de France.

La nature mise en scène

Des arbres et des arbustes taillés, une dominante verte, aucune rupture avec les bois alentour, les jardins de Séricourt se déploient sur quatre hectares où il fait bon se promener, découvrir, sentir, apprendre et apprivoiser la nature. Un parcours qui entraîne sur des sentiers, “initiatique” ou “de brique”, où l’on peut se perdre dans un “labyrinthe éphémère”, une “chambre jaune”, une “cathédrale des roses”, un “jardin guerrier”, un “bois des ombres”… Une mise en scène végétale très poétique, pour illustrer la passion de toute une vie. Dans ce petit paradis de verdure, les plantes horticoles cohabitent avec les plantes sauvages, qui se sont invitées à la fête. Quatre cents variétés de buis, une armée d’ifs, des plantes vivaces, des graminées et des hellébores se partagent la vedette et, partout où l’on passe, on ressent la douceur des roses, spécialité locale dont la variété de Séricourt est l’une des plus belles ambassadrices. Certaines roses sont d’ailleurs des créations originales du maître des lieux, considéré à ce titre par la Société nationale d’horticulture comme l’un des meilleurs introducteurs de plantes ; ainsi, en 2005, son “Epimedium Frohnleiten”, également appelée "plante des elfes", s’est vu décerner le titre de "Star des stars". Coup de cœur du jury pour le Prix Redouté, premier Prix EBTS France des Jardins visités, Yves Gosse de Gorre est un fidèle de la première heure de la Fête des plantes vivaces de Saint-Jean de Beauregard. Il vient également de concevoir un jardin Grand Siècle pour Laurent Perrier, à l’occasion de la manifestation “Jardins, jardin”, qui s’est tenue début juin aux Tuileries, à Paris, et a signé un livre, “Sagesse et déraison au jardin”, aux éditions Ulmer (en 2006).

Jardinier de père en fils

Dans les trois catalogues Gosse de Gorre (plantes vivaces, arbres et arbustes, rosiers), il est joliment précisé que l’on n’est pas équipé pour la vente par correspondance. Aux étiquettes qui cassent le rêve, on préfère les explications et on partage volontiers sa passion. Si on a besoin de conseils, rien ne vaut donc une petite visite à Séricourt. Avec son fils Guillaume, 28 ans, passionné lui aussi par la nature, la région et la pépinière, Yves Gosse de Gorre vient de créer une société. Père et fils travaillent avec les pays limitrophes, Belgique en tête, et prennent leurs marques ensemble. “On se fait l’un à l’autre”, s’amuse le père, qui parle aussi de confiance et de temps gagné, en précisant qu’une fois en famille, “on ne parle pas travail”. Parions qu’ils s’accordent tout de même une petite balade au jardin…