Propriétés Le Figaro

Portrait

Philippe Starck, Le designer de l’extrême

Philippe Starck
Rénovation de l’hôtel Royal Monceau à Paris, nouvelle ligne de mobilier privé pour Cassina, le créateur Philippe Starck est sur tous les fronts. L'homme aux 6 000 projets et produits ne cesse de façonner notre quotidien.

Entre les mains de l'homme d'affaires français Alexandre Allard, épaulé par le groupe hôtelier Raffles, le Royal Monceau rêve d’incarner “l'extrême luxe” de demain. Pour y parvenir, ses moyens sont à la mesure de ses ambitions : plus de deux millions d’euros d’investissement par chambre, dont la rénovation a été confiée à Philippe Starck. Grâce à cet établissement de prestige remis au goût du jour, à deux pas des Champs-Élysées, l’équipe “extrême” entend ainsi doter Paris d’un palace synonyme d’élégance, de créativité et d’intemporalité, avec une touche de poésie supplémentaire. Fermé en janvier, le futur Royal Monceau by Raffles devrait rouvrir partiellement en septembre.

Autre actualité pour Philippe Starck : avec Privé, pour Cassina, il renouvelle sa collaboration avec la maison italienne. Il signe une nouvelle ligne de mobilier qui incarne la transgression dans le cadre intime et privé de la maison. Le jour et la nuit se mêlent dans cette collection, de la chaise au canapé en passant par le pouf. Ici, tous les désirs, toutes les variantes peuvent être satisfaits : assis, étendu, allongé… rien n'est interdit là où tout est permis. Rencontre.

Vivez-vous une histoire d'amour avec le Royal Monceau ?

Je ne vis pas une histoire d'amour avec l'hôtel, je vis une histoire d'amour avec le propriétaire du Royal Monceau. Pour avoir de beaux enfants, il faut que les parents soient amoureux. Pour faire de beaux projets, il faut que les partenaires soient amoureux. C'est le cas. Alexandre Allard est une personne d'une intelligence, d'une humanité et d'une énergie hors du commun. Hélas, cette espèce de grand visionnaire est en voie de disparition

Vous arrive-t-il de travailler pour des particuliers ?

Jamais. Je ne fais que des réalisations qui traitent des grandes visions publiques, que ce soit des fusées, l'écologie, la marine, les déplacements ou l'hôtellerie. Le meilleur client ? Quelqu'un d'intelligent, qui veut rendre un vrai service.

Vous continuez également votre collaboration avec Cassina, avec la collection de meubles Privé, pour que “la nuit se transforme” en aire de jeux. Quel est l'avenir du design pour vous ?

Comme tout, il en a plusieurs. Il y a un avenir mercantile, déjà annoncé dans les années 50 par Raymond Loewy lorsqu'il affirme que “la laideur se vend mal”. Il dit clairement que le design est juste là pour rendre des produits plus beaux afin qu'ils se vendent mieux. Hélas, dans une société de consommation, ce système fonctionne et a fait que le design est aujourd'hui un complice sans scrupules de la production, de la consommation et de la surconsommation. Il y a une autre forme de design, que j'espère pratiquer, qui est fondée sur l'honnêteté, le respect, la vision, la créativité, l'humour, l'amour… On pourrait le qualifier de design éthique. Il revendique qu'aucun projet ou objet ne mérite d'exister s'il ne s'inscrit pas dans la grande image de l'évolution de notre espèce animale et de notre civilisation basée sur l'intelligence. Évidemment, dans ce processus intervient la dématérialisation et donc la disparition, que je montre à travers différents produits (comme la chaise Louis Ghost notamment). Mais, avec mes différentes créations, j'exprime aussi d'autres idées, telles que la démocratisation du design et aujourd’hui, avec cette collection Privé by Cassina, le “replacement” sexuel du design. Maints paramètres qui font qu'un objet mérite d'exister.

Cassina, mais aussi Driade, Flos, Kartell… Pourquoi faites-vous principalement vos gammes à l'étranger ? Un éditeur indépendant, comme XO, a-t-il sa place en France ?

Devant le succès de XO, on peut vraiment se poser la question : pourquoi n'y a-t-il pas d'autre maison d'édition française de qualité ? J'ai commencé à dessiner ici, j'ai alors proposé mes dessins aux quelques rares éditeurs français… qui n'en n'ont pas voulu. A contrario, des éditeurs étrangers se sont jetés dessus et en ont fait de vrais succès et de vraies fortunes. Ils ont été les premiers à prendre des risques. Il est par ailleurs plus aisé et fort agréable de travailler avec des éditeurs italiens, qui ont une vraie culture des projets, un intérêt réel et personnel pour ces projets. Plutôt que des fabricants qui se prennent pour des éditeurs, mais qui finalement ne sont que dans une démarche vénale devant la croissance potentielle du marché.

Vous êtes co-fondateur de Yoo, société à l’origine d’un concept inédit pour le design et le développement des propriétés résidentielles. Comment concevezvous un centre de vie ?

Un centre de vie doit toujours être autour de ses fondamentaux, autour de l'amour. Donc un endroit où l'on vit avec la personne que l'on aime. Et si en plus il y a du feu, vous avez suffisamment de paramètres pour que la vie existe.