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Portrait

Noé Duchaufour Lawrance, Créateur d'identités

Noé Duchaufour Lawrance

Le travail de la matière est essentiel pour ce jeune designer

Primé par la profession et prisé par les marques, ce jeune designer et architecte d’intérieur multiplie les projets à travers le monde. Tout en restant fidèle à sa ligne directrice : construire sa propre identité.

Depuis toujours, la souplesse des formes naturelles l’inspire. Noé Duchaufour Lawrance travaille la fluidité de la matière pour mieux la structurer, jusqu’à en faire sa signature. Le bureau Manta, qu’il a dessiné pour Ceccotti, en est une preuve éclatante. Né à Mende, ce premier de la classe, dont le coeur balance entre architecture intérieure et design, s’ingénie à comprendre tout ce qu’il a réussi à réaliser de manière instinctive, impulsive et très passionnée. En effet, le lauréat de “L’Empreinte de l’Année” des “Talents du luxe et de la création 2010”, assure être dans une phase intense de réflexion et de transition. “Mon travail en architecture intérieure a légitimé celui du design, explique-t-il. Cela m’a donné de belles opportunités, m’a permis d’apprendre à m’exprimer et fait avancer assez vite. Le chemin du designer, lui, est plus long.” Depuis un an, le talentueux créateur veut établir une distinction plus claire entre ses deux activités, pour mieux s’affirmer en tant que designer. “Je ne suis pas une marque, mais une identité que je veux valoriser.” Pour ce faire, il développera en 2011 deux sites Internet distincts. Celui de l’agence Neonata – “nouvelle naissance” – qu’il a créée en 2003, mais aussi celui de Noé Duchaufour Lawrance, pour des projets sur mesure. “On revient à des relations fondamentales, dit-il encore. Beaucoup de choses existent déjà, alors comment se positionner ? Qu’est-ce que j’ai envie d’exprimer ?” Un créateur éclectique L’année 2010 a été bien remplie pour Noé Duchaufour Lawrance : conception de l’agence Air France, à Roissy, et de la galerie BSL, dédiée au design et à la mode, à Paris, création d’une Flower Table pour Perrier- Jouet, de la chaise Otto et de la table Quadro pour Ceccotti Collezioni, et du fauteuil Calla pour Zanotta… Parmi ses nouvelles réalisations, on compte une collection de fauteuils et canapés et des tables pour Cinna, et la chaise Corvo, avec l’éditeur américain Bernhardt Design. Un coup de maître, ce dernier modèle. Dévoilée en avril dernier au Salon de Milan et présentée actuellement à la galerie Terre Design de Yann Desombre, Corvo a déjà obtenu un Gold Award au salon Neocon 2010, qui distingue un produit mis sur le marché américain dans l’année. Le jeune designer a également signé la charte architecturale des stands Yves Saint Laurent Beauté ou encore le flacon de parfum Lady Million pour Paco Rabanne, et s’apprête à aménager deux restaurants à Paris, ainsi qu’un chalet de 800 m2 dans les Trois Vallées. “Un gros projet pour un particulier, une première pour moi !” Après les vagues de meubles économiques, écologiques ou encore intelligents, pour Noé Duchaufour Lawrance, “il ne reste plus que des histoires à raconter”. Et ça, il sait faire. Il a forgé sa technique en étudiant à Paris, aux Arts décoratifs – section mobilier, puis aux Arts appliqués, en DMA sculpture sur métal. En 2002, il est propulsé sur la scène internationale grâce au Sketch, le restaurant de Momo et Pierre Gagnaire à Londres. En 2007, Maison & Objet en fait le créateur de l’année, catégorie “Scènes d’intérieur”. Suivront le restaurant de Senderens dans la capitale, la brasserie Sénéquier à Saint-Tropez, le Maya Bar à Monaco, mais aussi des scénographies pour L’Oréal, Swarovski, Zanotta ou les Designers Days… Travailler pour des marques prestigieuses lui a permis de se faire remarquer et lui a offert un formidable écho. L’identité, son fil d’Ariane Noé Duchaufour Lawrance assure aborder les projets plus librement en qualité de directeur artistique. Il avoue ressentir “une vraie émotion” quand il arrive chez Ceccotti, en Italie, pour travailler avec cet artisan “qui a largement dépassé l’âge de la retraite”, mais qui parie sur lui pour le propulser vers l’avenir. Très centré sur sa propre identité, son fil d’Ariane, il est aussi très ouvert à l’international, surveillant ce qui se prépare en Chine ou ailleurs. Tout en continuant à se forger une ligne de conduite, et à réfléchir à un “projet manifeste” qui pourrait traduire au mieux sa pensée. “La marque n’est pas une finalité pour un créateur, mais il doit suivre une ligne directrice, insiste-t-il. Elle peut être écoutée aujourd’hui et modifiée demain, ce n’est pas ce qui importe.” En ce début d’année, le projet Yquem, développé en collaboration avec le chef étoilé Yannick Alleno, voit le jour : “On a de la belle matière, je me régale !”. Mais aussi une ligne de couteaux, que Noé Duchaufour Lawrance a mis au point avec un atelier de Thiers et ses sept artisans. Des rencontres qui le passionnent au niveau humain, et l’aident à se débarrasser du superflu, à rester concentré pour aller à l’essentiel, à préciser une façon d’être. “Je ne regrette absolument rien, car j’ai toujours été très sincère au moment où je faisais les choses”, conclut celui qui est capable d’arrêter un projet sur lequel son agence travaille depuis plus d’un an, car il pense n’avoir plus grand-chose à apporter. Savoir repartir à zéro, c’est un besoin vital, le pari de l’artiste.

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