Propriétés Le Figaro

Portrait

Manuelle Gautrand, L’architecte exploratrice

Manuelle Gautrand

Pour la résidence Mero Beach, sur l'île de la Dominique, l'agence de Manuelle Gautrand a conçu, dans un esprit contemporain et autour du thème de l'eau, six modèles différents de villas

De la Gaîté Lyrique, qui ouvre ses portes début mars à Paris, aux luxueuse villas de Dominique, Manuelle Gautrand multiplie les projets ambitieux. Une architecte à suivre de près.

Elle vient de repenser la Gaîté Lyrique. Un ancien théâtre de 8000 m2, sur sept niveaux, qui a désormais pour vocation d’explorer les cultures numériques sous toutes leurs formes : musique, graphisme, jeu vidéo, cinéma, théâtre, danse, mode, design, architecture… Ce challenge “vertigineux”, pour lequel elle a dessiné du mobilier mobile, ne pouvait que séduire cette architecte au talent foisonnant.

Le public l’a découverte avec le C42, le showroom de Citroën sur les Champs-Élysées, mais ses propositions pour la Fondation Pinault sur l’île Seguin lui avaient déjà valu la reconnaissance de ses pairs. À son actif, près de quatre-vingts concours et plus de quinze réalisations, parmi lesquelles la Cité des affaires à Saint-Étienne, la restructuration et l’extension du musée d’Art moderne Lille Métropole situé à Villeneuve-d’Ascq ou bien encore la résidence de villas de luxe Mero Beach, en construction sur l’île de la Dominique. Et demain, la restructuration du centre commercial de Velizy 2.

Manuelle Gautrand dit volontiers ne pas avoir “une ligne d’écriture”, ne pas aimer se reproduire, préférer l’effet de surprise. “Depuis le début, je cherche à ne pas me spécialiser. Je sais me renouveler. Ce métier est extraordinaire, il nous permet de toucher à tout. C’est précisément ce que j’aime et c’est une chance.” Et effectivement, elle touche à tout, cette créatrice d’origine marseillaise installée dans la capitale depuis vingt ans. “La curiosité est notre moteur, j’ai toujours soif de découvertes. Démarrer un projet dont on ne connaît ni les tenants ni les antécédents, c’est se remettre devant une page blanche.” Parfois, cela dure quatre ou cinq ans, “un morceau de vie.” Ce qui lui plaît vraiment? morceau de vie.” Ce qui lui plaît vraiment? Construire, car s’il ne se termine pas sur un chantier, l’exercice, à ses yeux, n’est pas abouti. Qu’il soit d’importance ou à petite échelle, un projet à construire reste, pour celle qui fête cette année les dix ans de son agence, une opportunité d’accéder à de nouveaux univers et de s’en nourrir. Ses réalisations, aussi bien dans le public que le privé, en France ou à l’étranger, lui ont offert l’occasion de se frotter à des intellectuels et à des artistes qui portent un regard audacieux sur la société. Pour preuve, le showroom Citroën, qui lui a permis de s’attaquer à une industrie assez singulière et d’exprimer l’identité d’une marque qui ne l’est pas moins. Gautrand n’a pas peur non plus de prendre position, d’oser les projets coup-de-poing. “Il y a parfois nécessité d’être percutant”, assure-t-elle dans un grand sourire.

Ce qui lui importe avant tout, c’est que le client manifeste une véritable envie d’architecture de son temps, qu’il s’établisse un échange, un dialogue positif autour de la commande et dans les limites de l’art. L’étude approfondie du site, des volumes, s’accompagne en parallèle, chez elle, d’une réflexion sur les matières et les couleurs. La priorité reste de hiérarchiser le travail transversal pour “trouver l’unique réponse qui permettra que le tout s’harmonise”. Anticiper et traduire les besoins à venir fait aussi partie de sa mission telle qu’elle la conçoit. Pour la Gaîté Lyrique, par exemple, elle s’est intéressée à la programmation, afin de préserver une cohérence entre le lieu et le programme, particulièrement ambitieux.

Son dernier projet en cours, la résidence Mero Beach, sur l’île de la Dominique, est une première pour son agence et traduit son désir de bâtir des maisons individuelles. Pour la vingtaine de bâtiments de ce resort de luxe, elle a conçu six modèles de villas différents, dans un esprit contemporain autour du thème de l’eau. Les accès à la mer et les piscines privatives déterminent le style des maisons, également conçues dans une optique écologique. Dans un tout autre style, pour un immeuble de bureaux qui vient d’être inauguré avenue de Friedland, à Paris, elle s’est attachée à préserver la confidentialité des locaux tout en leur assurant une belle lumière. À Saint-Étienne, elle a choisi de créer un effet de surprise sur la façade extérieure de la Cité des affaires. “Je voulais un projet qui irradie”, résume-t-elle. Pari gagné grâce à la couleur – un jaune très vif – qui rythme le groupe d’immeubles. Une nuance de poésie au détour des carrefours… La couleur est encore au rendez-vous d’un projet en devenir qui lui tient à coeur à Ouagadougou, au Burkina Faso : revégétaliser une partie de la ville autour d’un lac, pas moins ! Mais c’est encore une autre histoire. À suivre.

© LUXIGON