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Portrait

Les Sismo, designers, Un duo bien secoué

© Laurent Vautrin

Antoine Fenoglio et Frédéric Lecourt, les designers et créateurs de Sismo, fêtent cette année les dix ans de leur studio de création. Pour l’occasion, ils présentent une exposition-rétrospective cet été à Paris, et publieront un livre à l'automne.

Comme on n’a pas tous les jours dix ans, l’événement se devait d’être dignement fêté. Inaugurée lors des Designer’s Days à l’espace Modem, l’exposition “Les Sismo, 10 ans de créations, inventaire simple et inventif” présente 30 objets emblématiques que ces “créateurs industriels” ont sélectionnés. Illustrant leur démarche artistique, chacun d’eux est mis en scène autour du triptyque, la question posée, l’épure du dessin, l’objet. Un second volet, “Décoration Haute Performance”, rappelle leur complicité avec Saint-Gobain et expose huit pièces uniques, créées en 2008 et également vues au Salon de l’innovation. D’entrée de jeu, Antoine Fenoglio et Frédéric Lecourt annoncent qu’ils adorent se compliquer la vie. Pas étonnant qu’ils aient choisi de nommer leur société Sismo, qui signifie tout simplement “secousse”. Leur logo, un mouton qui crache du feu, annonce aussi la couleur. Les Sismo, donc, agitateurs d’idées en tout genre, installés entre Seine et Rhône, oscillent entre créateurs et industriels, série limitée et grande distribution en cherchant, toujours avec humour, à “faire signe et sens”. Habitués à faire le grand écart entre les différents domaines qu’ils traitent, ils ont adopté “le bon dosage comme posture créative”, déroulant leur réflexion experte et leur stratégie en quatre temps.

Au service des grandes marques

Cette méthodologie d’innovation par le design, cette gestion du risque créatif, est, en quelque sorte, un passage obligé pour le facétieux duo qui n’hésite pas à chahuter les marques et les codes, les sigles et les formes. Et qui est capable de tenter, avec Hermès, des expériences inédites sur le cuir ou de développer, avec les cafés Richard, un nouveau standard de tasse à expresso. L’essentiel n’est-il pas d’adapter le message à la culture de la marque ? Leur souhait avoué est de réinventer une certaine façon de doser la création en France, et d’apporter des réponses adaptées et efficaces dans ce no man’s land qui existe entre le créateur, le designer élitiste et les grandes agences. Un travail qui “nécessite une même vigilance entre les deux extrêmes” pour éviter de basculer d’un côté ou de l’autre, reconnaissent-ils dans un même élan, avant de souligner que leur façon de faire privilégie également le plaisir du projet, l’intérêt de l’expérience : “la qualité des interlocuteurs permet souvent d’élargir la vision, de se frotter à de vraies dimensions.” Ils revendiquent de ne pas chercher à défendre un style, mais de vouloir faire avancer la marque ou le groupe, d’emmener leur client là où ils le veulent. Pour l’un, ils imaginent une nouvelle forme de tablette de chocolat ; pour l’autre, des briques sous vide. Daum, ST Dupont, Sephora, Raynaud ou Bébé Confort, entre autres, ont déjà fait appel à leurs talents. Pour Peugeot, ils ont dépoussiéré les moulins à poivre ; pour MBK, décliné les produits satellites du scooter ; pour Lancel, imaginé des accessoires de bureau ludiques ; avec Adidas, réinventé les qualités techniques et esthétiques du ballon de foot et, pour Legrand, poussé la recherche prospective sur les interrupteurs. Ils signent un très poétique lit-bibliothèque “Auprès de mon arbre” et un banc luminaire nomade avec Greenage pour véhiculer les valeurs écologiques du céralin. Pour Revol, spécialiste de la porcelaine culinaire, ils ont fait glisser les courbes des collections professionnelles “vers un univers onirique et plus doux, en tenant compte des gastronormes”. Cet été, pour les 60 ans de Scrabble, il créent 60 objets qui jouent avec les mots.

Univers onirique

Fantaisistes mais pas fous, les Sismo ont conclu, il y a un an, un “partenariat exclusif non capitalistique” avec l’agence Carré Noir/Publicis, car il leur arrive de se sentir “un peu petits” face à des groupes. Rappelons qu’ils se sont connus sur les bancs de l’école, avant de s’associer quelques années plus tard alors qu’ils travaillaient en indépendants à Milan. Et ils ont su s’entourer d’un véritable noyau dur en interne, réseau d’intervenants spécialisés et de partenaires internationaux. À Paris, leur bureau-boutique, coloré et atypique, est à l’image de leur ton débridé. Mais celui de Lyon reste leur “repaire de travail”. Car répondre aux demandes des sociétés ne les empêche pas de continuer à éditer et distribuer des objets sous leur marque propre. Les Sismo ne s’arrêtent pas là : cet automne, ils publient “Pourquoi pas, le design ?” (éditions de l’Épure), avec la complicité de Claire Fayolle pour les textes et des illustrations de leur collaboratrice Ju Hee Park. Une sélection de leurs créations, du “banccheminée” au “feu nomade” (une “malle à feu”, en vente cet été chez Colette), et du verre à jus de fruits au bout de bureau… Une balade qui ne se prend pas au sérieux, dans un univers qui cache bien son jeu.

« Faire signe et sens »