Propriétés Le Figaro

Portrait

Jean-Jacques Ory, architecte, Le bâtisseur de l’Éco-luxe

Ce touche-à-tout génial fait construire à Cabris, dans les Alpes-Maritimes, une maison entièrement écologique où se marient architecture contemporaine et matériaux traditionnels. D’autres projets verts sont déjà en cours. Rencontre avec un architecte militant.

Ce n’est pas un livre, mais un véritable pavé de 500 pages de photos et dessins prestigieux que les éditions Alternatives viennent de publier sur Jean-Jacques Ory. Il faut dire que rarement architecte n’a été aussi présent dans l’actualité, malgré sa volonté de rester discret. Et comme ce patron d’un studio d’architecture, de design et de décoration intérieure, qui emploie aujourd’hui plus de 80 collaborateurs, se double d’un peintre et d’un sculpteur, les sujets de discussion ne manquent pas. À commencer par ses projets pour le grand tournant que nous vivons grâce au développement durable, qui impose d'importants changements dans notre cadre de vie. “En fait, depuis le Bauhaus, il ne s’était pas produit de révolution fondamentale dans l’écriture architecturale, s’enthousiasme Jean-Jacques Ory. Ce touche-à-tout génial fait construire à Cabris, dans les Alpes-Maritimes, une maison entièrement écologique où se marient architecture contemporaine et matériaux traditionnels. D’autres projets verts sont déjà en cours. Rencontre avec un architecte militant. Dans les deux ans qui viennent, on va passer de la phase de recommandation à celle de l’obligation du respect environnemental. Heureusement, cela fait déjà longtemps que nous avons intégré cette démarche dans nos programmes d’envergure. Pour les immeubles et les centres commerciaux que nous réalisons, nous avons pris de l’avance. Et pour les maisons de particuliers, ça bouge enfin sérieusement dans l’esprit des acquéreurs.”

La maison verte de Cabris

L’exemple le plus significatif est cette maison que l'architecte écolo fait construire à Cabris, dans les Alpes-Maritimes. “Elle captera les énergies naturelles grâce aux technologies les plus modernes, explique-t-il : cellules photovoltaïques pour produire de l’électricité, panneaux solaires pour l’eau chaude, procédés géothermiques, murs végétaux, vitres pour contrôler la chaleur, collecteurs pour récupérer les eaux de pluie, et j’en passe. Cela permet non seulement de contrôler les émissions de CO2, mais aussi de réduire considérablement les factures de chauffage et de climatisation. L’architecture très moderne n’interdit pas, au contraire, le choix de matériaux traditionnels comme le bois et la pierre sèche du pays, appareillée à l’ancienne. Nous utilisons aussi ce que nous appelons dans notre jargon des enduits lissés, qui contribuent à l’isolation face aux variations de la température extérieure, des volets en bois et métal qui coulissent en fonction de l’orientation solaire, la géothermie par “puits canadien” [un système permettant la régulation naturelle de la température de l'air, ndlr], et nous récupérons évidemment l’eau de pluie pour la réserve d’arrosage. Autre exemple : dans une vieille ferme de Saint-Tropez, où il existe un puits, il nous a suffi d’imaginer un système de robinets très simple qui permet d’alterner le prélèvement de l’eau du sous-sol et l’utilisation de l’eau de la ville en période de sécheresse. Quand on connaît le prix du mètre cube sur la côte, vous imaginez les économies que cela peut représenter ? Toujours à Saint-Tropez, nous réalisons le premier “hôtel vert” sur la route des Salins, avec des toits-terrasses végétaux qui, en plus du fait qu’ils s’intègrent parfaitement dans un paysage merveilleux, emmagasinent l’humidité et réduisent l’arrosage des jardins.” Pour la ville du XXIe siècle, les projets de Jean-Jacques Ory paraissent encore une fois fous, et pourtant certains sont déjà très avancés. Ainsi, pour l’extension du centre commercial parisien Italie 2, il compte installer “une façade qui ressemblera à une forêt et donnera l’impression de remettre un peu de campagne dans la ville, tout en privilégiant les qualités du végétal pour isoler l’intérieur des changements climatiques. J’ai une démarche identique quand je propose des “habits” pour les tours, une sorte de seconde peau qui limite la consommation de chauffage ou de climatisation”, conclut-il…

Histoire d’une passion

Grand défenseur de l’architecture et de la décoration contemporaines, Jean-Jacques Ory a passé ses diplômes d’architecte DPLG il y a plus de 35 ans. En 1979, il crée à Paris une agence tout d'abord spécialisée dans la restructuration d’immeubles, avec un credo : “concilier histoire et modernité”. Très rapidement, il passe à la construction d’immeubles de bureaux et à la décoration de nouveaux ensembles. On trouve dans son palmarès la renaissance du Crédit lyonnais après l’incendie de 1992, les sièges du Parisien Libéré, de Louis Vuitton au pont Neuf, de LVMH avenue Montaigne, de L’Oréal, de la Swiss Life, de l’UBS ou encore de Kenzo et de son restaurant spectaculaire, le Kong, au sommet de l’ancienne Samaritaine. Au total, son bureau a restructuré ou créé 2 millions de mètres carrés à Paris et en banlieue. Un record, auquel on peut ajouter des boutiques dans le Triangle d’or comme celles de Céline, ou de Nike sur les Champs-Élysées. On le demande désormais partout et ce passionné d’urbanisme crée aujourd'hui des quartiers entiers, comme à Reims.

D’une tour à une sculpture :

l’essentiel est de créer Jean-Jacques Ory trouve également le temps de décorer des appartements, de construire ou restaurer des hôtels particuliers à Paris… “En essayant, dit-il, de toujours apporter une part de rêve et de poésie, de créer de l’intimité dans un vrai lieu de vie, avec des espaces assez ouverts.” Il aime également peindre et sculpter. Jean- Jacques Ory expose en ce moment à Paris et bientôt à New York. Ses oeuvres ornent son appartement, même s’il rêve de s’offrir un jour une toile de Dubuffet, Soulages, Warhol, Basquiat ou Rauschenberg… Jean- Jacques Ory surprend souvent quand il assure pouvoir passer d’un projet pour une tour à celui d’une petite maison à Marrakech. Ce à quoi il répond : “Faire un immeuble de bureaux, décorer un appartement ou créer un meuble me passionne tout autant, pour ne pas dire m’amuse, tant que j’ai avec mon interlocuteur une même vision globale, depuis le concept architectural jusqu’aux détails des aménagements. L’essentiel est de partager une volonté commune de faire quelque chose de cohérent.”