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Portrait

James Irvine, designer influent

James Irvine, designer influent
Directeur artistique de Thonet et Marsotto Edizioni, élève de Lucchi et Sottsass, le designer James Irvine manie les lignes avec rigueur et créativité. Preuve ? La chaise 14, revisitée pour muji dans la collection présentée cet automne.

La liberté est une valeur fondatrice pour James Irvine qui revendique avec humour d’échapper à un monde mené par le marketing. L’homme n’en n’assume pas moins une double vision de créatif et de directeur artistique pour des entreprises industrielles. Cet interprète du design contemporain en manie le vocabulaire et les lignes au millimètre près avec un sens aigu des proportions et une rigueur rare. Depuis plus de huit ans, il collabore avec la maison Thonet, pour laquelle il a dessiné des best sellers, notamment la chaise A66O, le sofa S 5000 ou bien encore le tabouret S 123H. Il y a trois ans, il a pris les fonctions de directeur artistique et de superviseur du développement produit de cette institution. Sa mission ? Trouver le bon équilibre entre les savoir-faire traditionnels et les techniques les plus pointues, traduire en langage actuel la vision créative qui a fait le succès de la maison Thonet. Mettre en gamme des produits adaptés à un style de vie qui n’est pas figé entre maison et bureau, en bref, produire “le sofa que le Bauhaus a oublié de dessiner”. Il structure et coordonne les collections en faisant aussi appel à d’autres designers. Avec ces talents extérieurs qu’il invite à réfléchir sur la marque et la complicité des “Thonet brothers”, il développe également de nouveaux produits faciles à produire, qui s’adaptent et se montent facilement, à la fois solides et design. La collection de cet automne en est un bel exemple. “Quand on allège, quand on clarifie, c’est toujours mieux. Il n’est pas nécessaire de trop designer.” En cela il s’inscrit dans l’esprit Thonet. Pour preuve, ce fameux modèle de chaise 14 revu et corrigé dans une version pour Muji dont il est à l’origine. “J’ai présenté Masaki Kanai, le président de Muji aux frères Thonet et le projet s’est mis en place très vite naturellement et en confiance.” Homme d’échanges et de partage, Irvine, 52 ans, né à Londres, vit et travaille à Milan depuis 26 ans. Diplômé de la Kingston Polytechnic design school en 1981 puis en 1984 du Royal College of Art (toujours en design mobilier), on le retrouve quatre ans plus tard à Tokyo, dans le département design de Toshiba où il travaillera une année avant de revenir à Milan en qualité de consultant à l'agence Olivetti sous la direction de Michele de Lucchi et Ettore Sottsass. Il y a pire. Une première exposition personnelle en 1993, au Royal College of Art de Stockholm, confirme sa notoriété grandissante. Partenaire et responsable du groupe design industriel des Sottsass Associati jusqu'en 1997, il fonde en parallèle sa propre agence de design. Il conçoit les city-bus Mercedes Benz pour la ville de Hanovre mais aussi des produits industriels pour des sociétés internationales telles que WMF, Whirlpool, Arabia, Mabeg, Canon Japon ou B&B Italia qui ouvre un show room cet automne à Paris. Cappellini, le premier, le ramène vers le design mobilier. Magis, Alias font aussi appel à lui…

L’homme qui parle à la matière “Pour fabriquer un bon produit, assure-t-il, il est essentiel d’être impliqué de A à Z et de créer des liens de confiance et de proximité avec les équipes à chaque étape du process”. En avril dernier, on a découvert au salon de Milan une collection en marbre de Carrare éditée par Marsotto Edizioni dont il assure la direction artistique et qu’il a en partie dessinée. Soit trente pièces “fait main” avec les artisans locaux dont il dit avoir beaucoup appris. Des objets d’usage quotidien, table, console, vide-poche qui traduisent une certaine modernité mais qui rappellent la richesse de la nature et la capacité de l’homme a l’interpréter. Au final, un projet ambitieux à vocation internationale pour faire vivre ce matériau “antique et extraordinaire” dans une nouvelle réalité de production. À ses côtés dans l’aventure, Konstantin Grcic, Jasper Morrison, Naoto Fukasawa, Maddalena Casadei, Thomas Sandell, les designers qu’il a invités. “De nos jours, créer des objets est difficile. Ce n’est pas une activité solitaire. Design et création artistique sont deux choses distinctes. Il faut être réaliste. Quand on le comprend, on a les clés pour imaginer, pour créer.” Aujourd’hui encore, son plus grand plaisir reste de travailler la matière, de la pousser dans ses plus belles limites esthétiques. “Quand on la traite bien, on trouve sa force, sa vérité et plus facilement l’idée et le dessin qui lui vont bien.” Parions que James Irvine sait lui parler…

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www.james-irvine.com