Propriétés Le Figaro

Portrait

Isabelle Stanislas, Architecte & créatrice

Isabelle Stanislas

On a peine à croire qu'Isabelle Stanislas puisse avoir vongt ans de métier. La jeune femme dirige pourtant avec Leiko Oshima l'agence So-An Architecture qu'elles ont fondée sitôt leur diplôme en poche

En quinze ans et 150 projets autour du monde, Isabelle Stanislas est devenue incontournable. Sans perdre son sourire, l’architecte se passionne pour des domaines aussi différents que le design, l’identité de marque, l’événementiel ou la mode. Portrait d’une hyperactive.

“Il n’y a pas d’heure pour l’architecture, mais il ne faut pas oublier de vivre, car c’est l’essence même de l’architecture”, assure Isabelle Stanislas qui se réjouit de diriger “une agence curieuse”, et n’aime pas parler d’elle. La somme, en fait, de sept personnalités fortes, capables de naviguer d’un projet de structure architecturale ou de décoration intérieure à une mise en scène événementielle, le tout au diapason de l’enthousiasme qu’elle insuffle à l’équipe. Il faut bien ça pour mener à bien plus de cent cinquante projets. C’est ce qu’elle a fait depuis quatorze ans, en France comme à l’étranger, réalisant aussi bien des espaces commerciaux et résidentiels que des maisons ou appartements particuliers...

Encore étudiante, elle trouve sa place – centrale – dans un collectif, un atelier de créatifs installé dans l’Est parisien. Avec ses copains étudiants, graphistes, photographes, paysagistes ou, cela va de soi, architectes, elle développe aussi bien des jeux vidéo que des expositions, présente des concours ou des conférences. Une formation qui n’a pas de prix : ils bousculent les codes, utilisent avant l’heure des matériaux de construction – béton, béton projeté, résine métallique, acier – pour donner de l’allure à des aménagements intérieurs. Ils osent et expérimentent, suivis par leurs commanditaires. L’aventure dure dix ans. Isabelle Stanislas y peaufine son style, perfectionne ses dessins et réalise déjà ses premiers chantiers. “Les plus belles années de ma vie”, n’hésite pas à dire aujourd’hui cette architecte DPLG qui avoue plus de vingt ans de métier, même si cela semble difficile à imaginer. Une opportunité qui se présente en cours de troisième année la pousse à lancer sa propre structure. Très vite, son diplôme à peine en poche, elle fonde So-An Architecture, son agence créée avec la complicité, entre autres, de Leiko Oshima, rencontrée pendant ses études.

Elle étudie volumes et lumière, appréhende l’espace, pour définir l’esprit du lieu, s’imprégner de son histoire, comprendre les gens qui vont le faire vivre. Du patrimoine à l’essentiel, en nuances. “Il s’agit de traduire une émotion, la complexité d’une rencontre, d’une découverte où chaque intervenant a son mot à dire. C’est une histoire d’identités.” Qu’elle traite des petites surfaces ou des espaces de taille exceptionnelle, la nécessité d’“être curieux” revient comme une urgence dans son discours, base d’une alchimie subtile qui va permettre de définir le cadre du projet architectural qu’elle mène et met en formes du début à la fin. Créations ou réhabilitations, elle privilégie toujours l’axe fondateur, la recherche du pourquoi, du comment.

Dans cette quête, certaines rencontres sont plus importantes, plus instructives que d’autres. Elle revendique pour maîtres Jean Prouvé, Louis Khan, mais aussi Renzo Piano, ou Tadao Ando, dont elle suit au plus près les travaux. “Je reste une étudiante assidue et toujours à l’écoute de ce qu’ils ont à partager avec nous.”

Si la décoration reste plus une passion qu’un travail, l’univers de la mode l’intéresse aussi depuis toujours. Mais pas au point rassuret- elle dans un éclat de rire, de lancer une collection. En travaillant avec Ann-Valérie Hash (elle a investi son hôtel particulier) ou pour les boutiques de Zadig & Voltaire, à la demande de Thierry Gillier, Isabelle Stanislas a exploré des champs de création en devenir qui l’inspirent. Avec pour mission de cerner l’identité de la marque, d’identifier son ADN et de l’intégrer au coeur de chaque nouveau point de vente, où qu’il se trouve dans le monde, en respectant l’âme du lieu, en préservant sa propre réalité. Un challenge comme elle les aime, et qui lui a donné l’opportunité de nouer de belles amitiés. “C’est une chance de travailler avec d’authentiques collectionneurs. J’aime tourner mes projets autour du parcours de l’autre, de l’objet. Mais je tiens aussi à ce que mon interlocuteur entre dans mon univers d’architecte, que nous partagions le monde de l’un et de l’autre. Ce que l’on vend sur plan, la circulation dans l’espace, l’art de vivre… ne définit pas l’image. Celle-ci arrive avec la connaissance des gens.” Ainsi, pour une responsable de mode qui aime la douceur, elle n’a pas hésité à dessiner un espace tout cachemire. Aller au-delà de l’apparence et de ce que l’on voit reste bien la priorité de cette esthète vive et gourmande qui ne semble jamais rassasiée d’apprendre. Très organisée, Isabelle Stanislas fonctionne “à l’instant”, sans perdre de temps. Il y a dans sa vie “une case pour tout”. Celle de la création de mobilier – en acier, béton, résine – est en train de se remplir, histoire de ne pas perdre son fameux coup de crayon. Demain, elle a envie de se pencher d’un peu plus près sur la scénographie d’expositions. Quoi qu’il en soit cette mère de famille recomposée qui pratique également la boxe thaïe garde toujours un projet d’avance et un mode de construction qui ne perd jamais de vue l’essentiel : la joie de vivre.