Propriétés Le Figaro

Portrait

Hubert Le Gall, Gentleman designer

Hubert Le Gall
Il fait son cirque avec élégance et humour à la galerie Avant-Scène de Paris ce mois-ci, signe plusieurs scénographies d’expositions, avant d’être le Créateur de l’année au salon Maison & Objet. S’il se balade avec aisance entre les époques, ce promeneur érudit n’en finit pas de marquer la sienne.

Hubert Le Gall sera nommé en septembre Créateur de l’année sur Scènes d’intérieur au salon Maison & Objet. L’occasion d’apprécier dans son ensemble le talent éclectique, inclassable, de cet artiste chaleureux qui ne se laisse enfermer ni dans les styles, ni dans la routine. Pour preuve si nécessaire, la monographie à paraître à la rentrée (Editions Norma) qui invite à parcourir le travail d’un esthète qui aime jouer avec le temps et son temps, mettant en scène avec fluidité et aisance aussi bien les expositions “Design contre Design”, que Vuillard ou Monet au Grand Palais, “La Mélancolie” ou encore Maurice Denis. On peut voir actuellement l’exposition “Artemisia” qu’il a scénographiée au musée Maillol, tout comme celle “Des pharaons noirs à Alexandre le Grand”, chefs-d’oeuvre de l’art égyptien, au musée Jacquemart-André à Paris. “Je pars des oeuvres et j’essaie qu’elles soient le mieux mises en valeur. Les objets ne sont jamais placés par hasard même si l’on semble parfois parier sur le « flou artistique »”, explique-t-il. Affirmant encore : “C’est un métier créé de toutes pièces. On joue la proximité des objets, l’énergie qui circule entre eux. Il faut écouter cette proximité et utiliser les faux hasards pour installer dans l’espace le discours des oeuvres et le dialogue qui s’impose entre elles.” Hubert Le Gall a aussi le sens de l’accrochage.

Carte blanche On retrouvera sa patte dès le mois de septembre au musée de Dijon et avant la fin de l’année, le sculpteur designer souvent trop discret, exposera à New York et Los Angeles d’autres pièces que celles que présente à la Galerie Avant-Scène, sa complice de la première heure, Elisabeth Delacarte qu’il retrouve après trois ans de silence. Une connivence qui lui assure une grande liberté de création, reconnaît-il. Ainsi, avoue-t-il encore, l’exposition en cours lui a été commandée par la galeriste, il y a trois ans déjà. Soit au final, quarante pièces inédites (mobiliers, luminaires et objets) travaillées sur le thème du cirque et qui déclinent un bestiaire en bronze ludique, voire coquin et malin, produit en petite série de huit exemplaires et quelques pièces uniques… “Plus on joue avec l’humour, plus il faut être classique, sérieux, dans la réalisation.” Pour les clients particuliers de la galerie, il lui arrive encore de concevoir des meubles ou des objets sur mesure, car se frotter aux contraintes ne lui fait pas peur, même s’il n’est jamais aussi créatif que lorsqu’il peut s’affranchir des conventions. Il n’hésite d’ailleurs pas à dire que “ceux qui ont le moins aidé sont ceux qui s’en sont le plus mêlé”. La nature reste une magnifique source d’inspiration, inépuisable. Ainsi, les tables Fleurs dessinées pour Avant-Scène, il y a plus de dix ans, figurent toujours parmi les pièces les plus demandées. “Une empreinte, le premier meuble que j’ai fait, une première icône dans mon travail”. Etonnement, d’avoir vendu des scénarios pour des films de formation à 20 ans l’a convaincu de ne plus se laisser déposséder de ses projets. De s’être installé dans l’atelier de Bonnard à deux pas de Montmartre, il y a dix ans, lui a apporté l’espace et la liberté dont il avait besoin pour retrouver l’envie et le plaisir de créer pour soi. “A un moment donné, il fallait que je change, j’avais l’impression de tourner en rond”. Il n’en cisèle pas moins une collection de miroirs fantastiques, multiplie les associations d’idées insolites entre art et décoration pour exprimer ce qu’il déroule d’instinct. “Un objet, c’est une forme, un matériau, une idée.” Il parie sur les jeux de forme, la lumière et les ombres portées, le contenu et le contenant, les pleins et les déliés… pour dessiner meubles et objets qui seront réalisés au gré de l’humeur, en plâtre, résine, bois, verre, bronze ou parfois même en céramique.

Aujourd’hui, plus que jamais, il se souvient qu’il est aussi peintre, et qu’il en a le regard affûté. “J’aime les couleurs, je crois en avoir le sens et un degré de perception plus élevé que d’autres en ce domaine. Mais si j’aime toutes les couleurs, je ne les apprécie pas toutes à n’importe quel endroit.” Il lui est arrivé de faire des maisons, à Paris, en province, mais cela le passionne moins aujourd’hui. “Je n’aime pas les chantiers et sur une maison, le travail est plus statique.” Il se laisserait tenter pourtant par un hôtel, un lieu public… Et savoir encore qu’il rêve depuis longtemps de dessiner un flacon de parfum. A bon entendeur. On l’attend aussi…

© William Beaucardet

www.hubertlegall.fr