Propriétés Le Figaro

Portrait

Guillaume Saalburg, graveur, sculpteur, L’architecte du verre

Guillaume Saalburg, graveur, sculpteur
De la tour LVMH, à New York, aux boutiques Yves Saint Laurent, les grandes marques font appel à ce génial maître verrier, qui met aussi son art au service des particuliers. Rencontre en toute transparence.

Le verre est son métier. Mais avant tout, sa passion. Autodidacte, Guillaume Saalburg s’est formé auprès d’un maître verrier qui lui a transmis son savoir-faire et confié les clefs de son atelier. Trente ans plus tard, sa société, Techniques Transparentes, est installée à Ivry, aux portes de Paris, et le graveur verrier accompagne toujours avec jubilation les projets les plus audacieux des architectes français et internationaux. Avec eux, il a su modifier le regard que l’on porte sur le verre, élément si quotidien et noble à la fois. Ainsi, il a réactualisé des vitraux à la demande du designer Martin Szekely, qui a transformé deux anciennes églises de Chelles en lieux culturels municipaux, inaugurés ce mois-ci. Avec les architectes Moatti & Rivière, il a travaillé sur l’Historial Charles de Gaulle et la boutique Yves Saint Laurent de la place Saint-Sulpice, à Paris. Avec Christian Liaigre, il intervient sur le Bilboquet, célèbre bistrot de Saint-Germain repris par les frères Costes et qui ouvre en juillet. Il vient aussi de terminer Iunx, la prochaine boutique de parfums d’Olivia Giacobetti, deux maisons à Londres et des appartements privés à Paris.

Comment vous définissez-vous ?

Techniques Transparentes compte 23 collaborateurs, dont 7 dans les bureaux d’études. L’atelier, les équipes qui vont sur les chantiers, restent les piliers de l’entreprise, car leur savoir-faire et leur expérience sont nos fondamentaux. Au quotidien,nous exerçons trois métiers. Tout d’abord, celui de la conception. Que ce soit avec un architecte ou avec un client, on partage, on se projette dans une réalité plus ou moins concrète à travers un discours. On capte une sensation. On conçoit, on offre, on (se) raconte. Ensuite, on passe à la réalisation. Avec le bureau d’études, le dessin des prototypes et des échantillons, on pré-imagine ce que l’on va pouvoir proposer concrètement. Enfin, la fabrication. On met le verre en images, on le pose, on le fait chanter ! Notre métier est de lui offrir de nouvelles possibilités, et de le choyer pour qu’il soit différent de sa base industrielle.

Comment travaillez-vous avec cet élément ?

On ne fabrique pas le verre, bien sûr, on le transforme. On reçoit de grandes feuilles que l’on grave, peint, polit, mate, dessine ou colle… Exactement comme lorsque l’on cuisine, on prépare ses ingrédients avant d’attaquer la cuisson. Il faut avoir l’imagination de projeter, d’envisager dans l’avenir, seulement d’après les plans initiaux et les échantillons. La période la plus troublante est celle où l’on se pose trop de questions. Était-ce le bon choix ? Avons-nous trouvé le bon équilibre ? Le client sera-t-il content ? Au final, je vois clairement ce que j’avais en tête, cela s’est construit au fur et à mesure et devant mes yeux. Avec parfois des surprises, car notre travail s’inscrit ensuite dans le style de l’architecte et celui du client.

Quels sont vos interlocuteurs ?

Nous réalisons des chantiers privés, publics, des objets, des bureaux, du mobilier, des façades… De la gare TGV de Nancy à la tour LVMH à New-York, on ratisse large ! Mais nous collaborons souvent avec les mêmes architectes, en France, Angleterre, Suisse ou Belgique… Parfois, ce sont des inconnus qui nous apportent des projets magnifiques, mais aussi des personnalités qui travaillent sur des projets confidentiels… En ce qui me concerne, tout m’intéresse. J’aime travailler avec les architectes dont je connais le travail, car ce sont des complices. Mais j’aime aussi travailler avec des inconnus, parce que cela m’amène à découvrir de nouvelles façons de voir, d’autres styles.

Quand intervenez-vous sur les chantiers ?

A chaque étape, de l’origine du projet jusqu’à sa livraison. J’ai le temps de suivre l’ensemble car tout est fait à l’atelier. Au début, ce sont les premières notes. J’accompagne les réflexions des architectes en saluant la belle idée ou en les orientant si celle-ci est difficile à mettre en œuvre. Je suis surpris de voir à quel point les architectes sont ouverts à de nouvelles propositions. En fait, c’est un métier d’équipe, l’architecte ayant son groupe de travail, d’éclairage, d’applications et ses intervenants extérieurs. Et comme le chef d’orchestre, c’est lui qui donne l’accord final.

Comment choisissez-vous vos projets ?

J’aime offrir naturellement. Quand les gens viennent me voir, j’essaie de répondre à leurs questions, leurs besoins, et de les guider. Le choix s’impose tout seul quand on nous demande une technicité qui n’est pas la nôtre ou un sujet qui ne nécessite pas notre savoir-faire. On vient vers nous pour des projets atypiques ou complexes, qui sortent de l’ordinaire et des sentiers battus. On fait ce que les autres ne savent pas faire, avec des spécificités que l’on ne trouve pas ailleurs. L’escalier que nous avons réalisé pour un appartement parisien ou même celui de la boutique Hermès sont des exemples, de jolies définitions de ce que l’on peut construire avec du verre.

Comment abordez-vous les projets privés ?

Il arrive que des particuliers fassent appel directement à nous pour un travail précis. Notre approche est alors la même qu’avec l’architecte, les questions sont identiques. Quel sujet, quel lieu, quelle culture, quel environnement… Mais qu’il s’agisse d’un chantier privé en direct ou d’un projet d’architecte, l’important pour moi, c’est que nous soyons ponctuels. Et nous veillons bien à toujours rassurer les clients sur ce point.

Quel est le profil du client idéal ?

Délicat et sensuel, il doit faire confiance, partager sa culture et faire avancer les idées.

Qu’est ce qui compte le plus pour vous ?

Emporter les projets et les mettre en route, nécessite pas mal d’énergie. C’est pourquoi je n’aime ni perdre du temps, ni en faire perdre. Pour moi, l’essentiel c’est de prendre du plaisir. Depuis une vingtaine d’années, l’envie de verre s’est largement répandue, car il est lié à un besoin essentiel de lumière. Les gens en demandent de plus en plus pour sa transparence, qui permet une communication visuelle avec l’extérieur. Les variantes du verre, tels les filtres et les césures douces, permettent de jouer la carte de la sensualité. À vrai dire, on produit aussi du rêve.

Qu’est ce que le “verre intelligent” ?

C’est celui dont on dira qu’il est à sa place, qu’il répond bien à ce que l’on attend de lui, qu’il est beau et possède une véritable personnalité. Le verre répond à de multiples exigences. Il protège des chutes, isole du bruit ou du froid, limite les apports solaires. Dès que l’on s’intéresse de près à un matériau, il en naît de nouvelles architectures. Le verre est un produit très technique, dont l’apparence dépend de la façon dont l’homme l’utilise. Vous savez, on a des “conversations” avec les matériaux. Rien que par le toucher, on est engagé.

Quelles sont les erreurs à ne pas commettre lorsque l’on “joue” avec le verre ?

D’abord, lui manquer de respect. Puis, ne pas tenir compte des autres “ingrédients” qui vont composer l’espace. Les différents composants se répondent, s’assemblent, se goûtent ; ils doivent s’épauler, se compléter et non entrer en conflit. Pour atteindre ce juste équilibre, il faut jauger, juger, appréhender, comprendre, sans faire attention à l’un plutôt qu’à l’autre des matériaux. Savoir prendre le plus de risques possibles. Particulièrement dans le verre, on peut atteindre le meilleur comme le pire.

Y a-t-il un domaine de création que vous n’avez pas abordé et qui vous intéresse ?

J’ai été approché une fois pour réaliser un flacon de parfum, et je renouvellerais bien cette expérience !

« Des projets atypiques ou complexes »