Propriétés Le Figaro

Édito

Folies raisonnées, Yves Lecoq

Folies raisonnées

Mon premier bonheur d’adolescent qui souhaitait devenir architecte fut de pouvoir construire mon propre décor dans l’ancienne mansarde parisienne de mon frère, sous les toits de l’hôtel particulier des Kerouärtz. Déjà je me sentais attiré par le mystère des maisons anciennes. La maison de campagne où nous passions nos vacances avec mes quatre frères et soeurs n’était qu’une petite meulière en lisière de la forêt de Fontainebleau. Elle me laissa pourtant, lorsqu’il fallut la quitter, d’amers regrets que j’ai tenté de calmer plus tard dans la recherche de ma propre maison. Si quelques châteaux provinciaux m’avaient séduit, je m’étais mis en tête d’acquérir la chaumière de mes rêves sur les terres de mes ancêtres paternels : la Normandie. Bredouille, je me rabattis sur un petit manoir en Picardie. Après cinq ans de travaux passés à lui rendre son aspect XVIIIe siècle, je le troquai contre le voisin château de Suzanne, conduit à la déchéance par le comte d’Estourmel. Sa situation d’un romantisme absolu face aux étangs de la Somme suffit à me décider à m’attaquer à ce sauvetage. Bien que persuadé d’être à l’aboutissement de mes rêves, les hasards de la vie me firent ensuite quitter Suzanne pour quatre autres demeures de la même importance. Le fou de château que j’étais devenu n’en considérait pas moins, à chaque fois, ces nouvelles entreprises raisonnables. En tout cas, elles ont au moins contribué à équilibrer ma vie d’artiste survolté. J’ai eu aussi la conviction que chaque aventure trouvait sa raison d’être dans le partage de cette passion avec les amateurs de bâtiments anciens. Si mes choix ont toujours été dictés par la beauté du site, ils l’ont été aussi par l’existence de la loi Malraux sur les monuments historiques qui contribue encore heureusement à la survie de notre passé architectural. N’étant définitivement pas à l’abri d’un nouveau coup de foudre, c’est toujours avec plaisir et curiosité que je feuillette ces magazines qui nous font découvrir les Propriétés Le Figaro les plus remarquables. Celles-ci auront toujours besoin de rencontrer les conservateurs que nous sommes.

© Mélanie Frey Figarophoto