Propriétés Le Figaro

Édito

Une maison comme un roman

Une maison comme un roman

Il y a un mystère des maisons et des appartements. En longeant des façades, le soir, on distingue parfois des silhouettes qui passent derrière les fenêtres. Qui sont-elles ? Les habitants d’une demeure dont les murs racontent une histoire ? Les personnages de ce roman particulier qu’est toute existence humaine ? J’aime le titre de ce roman de François Nourissier, “Le maître de maison”. Il suggère qu’un propriétaire est en quelque sorte le biographe de lui-même. Les tableaux accrochés aux murs, les meubles, la façon même dont les corps se meuvent d’une pièce à l’autre composent un récit ou un tableau. N’utilise-t-on pas le même mot, salon, pour désigner une pièce d’agrément ou une exposition de peintures ? De tous les salons où je suis passé, il me reste le souvenir de climats, de conversations, de visages. L’oeuvre de Proust n’oscille-t-elle pas entre le salon Verdurin et le salon Guermantes ? Lorsque j’entre dans une maison, j’essaie aussitôt d’en déchiffrer le roman. Il y a un passé, une généalogie, des bonheurs et des accidents, des secrets. Ce numéro de “Propriétés Le Figaro” coïncide avec la saison d’été. Pour moi, c’est le moment de l’année où je suis accueilli en Corse dans des demeures amies, l’une proche de Bastia, l’autre proche d’Ajaccio. Elles sont l’une et l’autre accrochées à flanc de colline, en déclivité vers la plage. Les murs sont doucement chauffés. Le soleil joue sur les rideaux des chambres. Face au temps éternel de la mer, dans les beaux crépuscules, s’installe la magie d’un chapitre de vie humaine : la maison devient la coquille d’un rêve. C’est ainsi que l’on peut vivre un roman dans les maisons des autres. La revue que vous tenez entre les mains invite à ce romanesque-là. Il faut donc la feuilleter comme un beau livre tiré de la bibliothèque des songes.

© LEA CRESPI