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Barcelone La confiance renaît, Barcelone

Barcelone La confiance renaît

Une ville typiquement européenne avec métro, festivals, musées et 1,6 million d’habitants, soit presque autant qu’à Paris.

Architecturale, ensoleillée, bien desservie, la capitale catalane demeure un haut lieu de l’immobilier de luxe. La flambée des prix a pris fin. La demande amorce son retour.

C'est une fin d’année en demi-teinte pour Barcelone. En septembre, les élections régionales ont porté au parlement catalan une majorité d’indépendantistes, mais, en nombre de voix, les listes non séparatistes ont gagné d’une courte tête. Deux mois plus tard, l’agence de notation financière Fitch,
consciente des tensions à venir, rétrogradait de deux crans la dette de la région. La Catalogne est riche, comme sa capitale Barcelone, mais elle est aussi l’une des régions les plus endettées d’Espagne. La crise ne l’a pas épargnée.

Un petit palais en plein centreville, pure merveille moderniste du Passeig de Gràcia : 632m2, 300 m2 de terrasse, quatre chambres pour 9 millions (Coldwell Banker).

 

Un marché à deux vitesses

De son côté, le marché immobilier barcelonais se porte mieux mais reste convalescent, encore assez loin de « l’eden » qu’il promettait dans les années 2005-2006. « C’est un marché à deux vitesses auquel nous n’étions pas habitués, hormis dans les stations balnéaires, lance Jesus Gonzalez Mas, directeur de l’agence Sotheby’s International Realty. Nous sommes en présence d’un segment “prime”, dont les prix augmentent, et d’un autre, plus classique, restant stable. » L’époque, durant laquelle les grands bourgeois se séparaient de leur bien immobilier pour faire face aux difficultés financières, semble révolue. L’offre de très belle qualité va même jusqu’à manquer. Car, en Espagne, vendre son patrimoine immobilier, c’est un peu comme devenir pauvre… Toujours est-il que « la clientèle très haut de gamme n’a plus peur de dépenser des sommes importantes pour s’offrir le plaisir de vivre à Barcelone », constate avec un certain bonheur François Carrière, président de Coldwell Banker Espagne. Et de citer l’exemple de la location la plus chère de Barcelone, à 35 000 euros/mois, que l’agence vient de signer pour un membre de la famille royale d’Arabie Saoudite. Ou une transaction « VIP » conclue avec la chanteuse Shakira et son compagnon Gérard Piqué, le défenseur du Barça. Il y a quelque temps, le couple avait visité une demeure de Pedralbes, le quartier des célébrités, et l’avait jugée trop onéreuse. Mais, pour le prix « sacrifié » de 5 millions d’euros, inférieur de 30 % au précédent, le titre de propriété vient de lui être cédé. Comme dans plusieurs métropoles, et notamment Paris, la baisse des prix relance la demande, et par conséquent, l’activité du marché.

Le promoteur Emerige a choisi de s’implanter dans le quartier de Sant Gervasi-Galvany, où il propose un immeuble entièrement réhabilité, 307 Muntaner, pour 6300euros/m2

Une demande cosmopolite

Mais l’Espagne n’est pas totalement sortie de la crise économique. Le chômage, cette épée de Damoclès qui pèse sur tous les États européens, y baisse, mais il reste élevé, à hauteur de 20% . C’est le second taux le plus haut d’Europe, juste devant celui de la Grèce. « Nous avons conscience que nous construisons sur des cendres », admet Emmanuel Virgoulay, en charge de développer les premières licences de la marque Barnes en Espagne. Au premier trimestre, le groupe ouvrira ainsi deux antennes, l’une à Barcelone et l’autre à Madrid. Dynamique en dehors des crises, le marché du luxe barcelonais attise les convoitises des professionnels. Les grands noms catalans ont pignon sur rue, à commencer par Lucas Fox, l’un des majors en Espagne, au Portugal et à Andorre. Des agences locales, comme Lux Habitat et Chic Room Properties Barcelona, jouissent aussi d’une solide réputation. Quant aux réseaux internationaux, ils sont à l’affût de pied-àterre et de villas avec vue sur mer pour capter une clientèle venue d’autres latitudes. Ce sont Engel & Völkers, Coldwell Banker et la branche immobilière de Sotheby’s. D’après Coldwell Banker, le tiers de la clientèle vient de France. Selon Barnes, 90 % des transactions au-dessus du million sont conclues avec des étrangers. La demande hors Union européenne croît de façon exponentielle depuis l’instauration du « Golden Visa ». Ce document, initié par le gouvernement pour relancer l’investissement, chapeaute chaque achat immobilier d’au moins 500 000 euros et constitue un permis de résidence permanent pour le propriétaire. De surcroît, il permet de circuler librement dans l’espace Schengen. La première personne à en bénéficier fut une Chinoise, en 2014. Les acquéreurs du Golfe en sont friands, de même que les Égyptiens et les Sud-Américains.

Dans le quartier paisible et sophistiqué de Pedralbes, des propriétés à la fois familiales et de réception. Ici, 480m2, dont sept chambres, pour 4 590 000 euros (Coldwell Banker).

Le neuf refait surface

Adossée à la montagne, à la mer et à deux rivières, Barcelone s’inscrit dans une logique « contrainte », sans possibilité de desserrement. Le centre-ville reste emblématique, mais, faute de foncier mutable, les projets neufs se font rares. On n’en dénombre actuellement que quatre à cinq. Manquant de liquidités, les promoteurs nationaux restent encore absents de ce marché, alors que des groupes étrangers, notamment français, sont assez représentés Emerige et Spirit ont ainsi lancé la commercialisation de leurs premiers projets. « Ce sont des produits biens placés, de l’ordre de 5 000 euros/m2, commente François Carrière. entre 250 000 et 450 000 euros, l’amateur du soleil de Barcelone peut ainsi s’offrir un pied-à-terre de deux chambres pour un budget réaliste. » Le précurseur des opérateurs venus de l’Hexagone fut un marchand de biens qui a su prendre appui sur un cabinet d’architectes barcelonais. Les bâtiments ne comportent qu’une dizaine d’appartements. Ce promoteur en est déjà à son cinquième programme… Dans un avenir proche, peut-on tabler sur l’excellence en matière d’architecture contemporaine, et notamment la maîtrise d’oeuvre de grandes agences internationales ? C’est l’avis de Jesús Gonzalez : « Des fonds d’investissement américains et indiens viennent d’acquérir des immeubles de 80 à 90 millions d’euros d’une grande envergure. leur intention est de développer une offre de super-luxe, en faisant sans doute appel à de grands cabinets. le temps de monter ces opérations, il faudra environ deux à trois ans avant d’aboutir aux lancements. »

La terrasse est aussi rare que recherchée, surtout dans le centre.

The "places to be"

Au milieu du XIXe siècle, Barcelone était ceinturée de remparts. Pour décongestionner la vieille ville, une extension fut confiée à Cerdà, urbaniste avant l’heure. Ce quartier porte aujourd’hui le nom d’Eixample, qui signifie « extension ». Son plan a été conçu en damiers, selon un tracé assez conforme à celui des villes d’Amérique latine. Curieuse de modernités, la bourgeoisie barcelonaise y a élu domicile en sollicitant notamment l’architecte Antoni Gaudí (1852- 1926) pour réaliser les plus extravagantes demeures. Le long du Passeig de Gràcia, trois édifices majeurs du courant moderniste lui sont attribués : la Casa Battlo, la Casa Lleo Morera et la Casa Amatller. Dans ce « carré d’or » du centre, l’offre atteint un bon niveau. Les hauteurs sous plafond ont de belles proportions, les éléments décoratifs, une richesse inouïe, les sols sont en céramique d’époque… On mettra par exemple la main sur un petit palais en rez-de-jardin de 600 m2 avec une terrasse de 300 m2. De temps en temps, on trouve même des oeuvres de disciples de Gaudí. Hélas, les appartements ne comportent en général qu’un balcon. Denrée rare, « l’ático » (dernier étage/terrasse) vaut presque le double des étages inférieurs. En moyenne, l’ancien cote entre 3500 et 4000 euros/m2. Au dernier étage, les prix démarrent à 6 000 euros/m2 et montent à 8000 euros/m2 sur Gracià. Plus familiale et joliment engazonnée, la propriété de Pedralbes fait aussi son petit effet, surtout sur la voie royale du quartier, l’avenue Pearson. La surface minimale des maisons atteint 500 m2 sur des parcelles de 1 000 à 3 000m2. Les budgets vont de 5 millions jusqu’à 10-12 millions. Quant à l’appartement « de seconde main », il se montre plus abordable, en moyenne entre 4 500 et 5 000 euros/m2. Un promoteur local projette de lancer un programme à 8000 euros/m2. La présence du lycée français dans le quartier reste un « plus ».

 

Vue sur mer

Le front de mer se compose de deux quartiers principaux. La Barceloneta, où vécurent les pêcheurs, se distingue par son architecture historique, datant parfois du XVIIIe siècle et de la construction du parc de la Ciutadella. On y trouve des édifices dantant de 1880-1900 qui possèdent du charme. L’animation est coutumière dans le quartier, essaimé de restaurants, bars à tapas… La mutation a commencé à partir des Jeux olympiques de 1992. Les plages ont été remises au goût du jour sur quatre kilomètres, et une marina a été édifiée juste en face de la mer à des prix élevés. Diagonal Mar, le second quartier du front de mer, se situe à l’extrémité de l’avenue Diagonal, la grande artère qui traverse la capitale catalane d’ouest en est. L’architecture des bâtiments y est récente, datant des années 2000. Et Diagonal Mar, le plus vaste centre commercial de Catalogne, y promet des heures de shopping. Les grands ensembles modernes qui dessinent le visage du quartier sont moins flatteurs aux yeux des Européens, mais les Russes raffolent de leur tendance « Miami ».

Au coeur de l’Eixample, ce duplex-terrasse de 160 m2 habitables vaut 1,4 million d’euros (Sotheby’s International Realty).

Investire à Barcelone ?

L’élection de la maire Ada Colau, issue du courant des Indignés, vient de mettre un terme à la location meublée de courte durée, traditionnellement en vogue dans la capitale catalane qui accueille plusieurs millions de touristes par an. Les fameuses licences touristiques sont désormais gelées, mais des voix s’élèvent pour lever ce frein, émanant notamment des opérateurs qui ont engagé des frais pour monter des projets. La position de la mairie pourrait s’infléchir, dit-on, et certains quartiers s’ouvriraient à nouveau à ce mode locatif. « Dans l’ensemble, les rentabilités moyennes raisonnables, de l’ordre de 5 %, ont un peu baissé, signale François Carrière. Je conseillerais aux investisseurs de bien considérer l’offre concurrente, qui est abondante, et de prévoir un montant lourd dévolu à la gestion. investir est cependant une bonne opération. Jamais les prix n’ont été aussi bas au cours de ces dix dernières années. il y a peu de chance de perdre en valeur sur le moyen terme. »