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La Catalogne, le nouvel eldorado ?

La Catalogne, le nouvel eldorado ?

Près de 300 000 étrangers résident à Barcelone, la capitale catalane qui compte 1,6 million d'habitants

Dans les beaux quartiers de Barcelone et sur la Costa Brava, la clientèle internationale et surtout française profite de biens immobiliers à des prix plus que jamais attractifs. Ce phénomène va-t-il durer?

Cyclique, l’immobilier suit une trajectoire de montagnes russes, tantôt au plus haut, tantôt au plus bas. Pour preuve en est l’Espagne. Après une folle flambée des prix, le marché s’est brutalement écroulé en 2008/2009, sous l’effet d’un krach d’une violence inouïe. « À Barcelone, nous sommes encore dans le creux de la vague, mais les stocks ont fondu à ce point que l’offre bien placée devient moins facile à trouver », reconnaît François Carrière Pastor, président en Espagne du réseau immobilier Coldwell Banker. À l’origine du regain d’activité : le retour de la demande internationale. Européens du nord, mais aussi Russes, Asiatiques et originaires du Golfe atterrissent en nombre sur le sol catalan pour mettre la main sur des biens haut de gamme, voire de luxe, cédés à des prix légers comme la plume, par rapport aux années passées.

Les prix se sont effondrés 

En cinq à six ans, l’immobilier espagnol a perdu 50 % de sa valeur, avec des variantes de -35 % à -75 % selon les régions. La chute a été moins sévère en Catalogue, mais les prix de la Costa Brava ont tout de même baissé de 40 % et ceux de la capitale catalane de 30 à 35 % en fonction des quartiers.

À Barcelone, les vendeurs et les acquéreurs se livrent des batailles sans merci, surtout dans le luxe, où les « belligérants » sont rodés dans leur business aux duels féroces. Des acquéreurs tentent le tout pour le tout et proposent 30 % à 40 % de moins que le prix affiché. Ce que regrette François Carrière Pastor : « Le marché a déjà fortement baissé. On ne peut guère espérer mieux que 5 à 10 % de négociations. » De l’autre côté, des propriétaires fortunés, donc peu pressés de vendre, entendent maintenir leurs prix élevés coûte que coûte. Une offre qui ne trouve plus preneur… Peut-on tabler sur un redressement du marché ? Pour la première fois depuis longtemps, le prix du mètre carré s’est stabilisé à Barcelone et se solde par quelques centimes positifs. « Sous la pression de la demande étrangère, les valeurs du haut de gamme ne vont pas baisser et sans doute augmenter lentement et sûrement », anticipe Jesús González Mas, directeur de l’agence Sotheby’s International Realty. Plus largement, l’Espagne se porte un peu mieux depuis la fin de l’année. « Le rebond est des plus modestes, mais devrait durer », d’après la banque BNP Paribas qui entrevoit une croissance nationale de 0,8 % en 2014 et de 1 % en 2015. Malgré cela, les banquiers se retrouvent avec sur les bras des milliers de logements à écouler. L’énorme taux de chômage frôle 26 %. Il n’y a donc toujours pas de clients espagnols dans les agences immobilières.

Mythique Barcelone

Le « Triangle d’or » de Barcelone se situe dans le quartier de l’Eixample, autour du Passeig de Gràcia, l’avenue où la haute bourgeoisie industrielle a élu domicile au XIXe siècle. Une vingtaine d’immeubles classés longent l’avenue, dont la Casa Batlló, le chef-d’oeuvre moderniste de Gaudí. Les enseignes de luxe et les grands hôtels se disputent les lieux, comme sur l’avenue Montaigne à Paris. Les architectures anciennes modernistes sont les plus recherchées par les étrangers. Leurs valeurs frôlent les 12 000 à 13 000 euros/m2 sur « Gràcia » et tombent à 5 000 euros/m2 dans les petites rues voisines.

Voici trois semaines, un Asiatique de Singapour s’est par exemple offert un appartement de trois chambres à 5 000 euros/m2 près du Passeig de Gràcia. Son objectif ? Obtenir un permis de résidence, le convoité « golden visa » qui permet de voyager en famille dans l’espace Schengen (voir entretien avec Ángel Baena). En prime : la perspective de rentabiliser l’achat en le louant pendant de courtes durées à 500 ou 600 euros la nuit. Même en basse saison, à 200 euros la nuit, l’opération s’avère profitable. À Barcelone, le flot de touristes n’arrête jamais, attiré par des salons, des expositions et un art de vivre qui ne laisse pas transparaître la crise. Recherchés aussi, mais rares désormais, les appartements neufs, dont les tarifs sont descendus de 10 000-12 000 euros/m2 à 7 000-8 000 euros/m2. On s’offre ainsi les enviables prestations du luxe à partir de 650 000 euros. Très prisée également, la terrasse, la tendance locale étant plutôt au petit balcon. Tout aussi rares, les emplacements de parking dans l’immeuble, peu répandus dans la cité catalane. Dans Pedralbes, l’autre quartier en vogue, le paysage penche du côté de la modernité : beaux et grands parcs, larges avenues, grosses propriétés cossues avec jardins taillés au cordeau. C’est ici que résident la plupart des joueurs du Barça, le club de l’élite du football. Le lycée français, les business schools internationales, la vue plongeante depuis les collines se vivent comme de réels « plus ». Malgré une baisse moyenne de 20 %, le haut de gamme cote ici encore cinq à six millions. Une propriété de 600 m2 habitables sur une parcelle de 1 300 m2, comportant cinq chambres – dont une de service – est mise à prix à 4,9 millions. Comme il se doit dans ce paradis doré sur tranche, elle arbore « sa » piscine privée.

La « costa » russo-française 

Sur la Costa Brava, qui signifie « côte sauvage », ce n’est plus l’âme de Gaudí qui flotte dans l’atmosphère, mais celles de Chagall et de Dalí. Le premier vécut dans la maison-musée de Tossa et le second offrit à son épouse le château médiéval de Pubol. Lloret de Mar, San Felíu de Guixols, Begur… Ces anciens villages de pêcheurs dépaysent les citadins en mal de nature. Le dernier fait figure de perle de la côte avec ses calanques et sa plage, souvent citée parmi les plus belles de la Costa Brava. Et les maisons anciennes y ont gardé du cachet. Comme cette demeure coloniale du vieux Begur, datant de 1860 et entièrement restaurée dans son jus d’origine. « C’est un monument, dont les fresques d’époque évoquent l’émigration des Catalans en Amérique centrale, relève Xavier Attal, directeur de l’agence Immo Best International. Je m’attends à voir un couple d’amoureux s’emparer de ce lieu romantique. » D’après Jesús González Mas, la Costa Brava se partage en deux : le nord et ses villages paisibles qu’affectionnent les Français, et le sud, plus festif, recherché par les Russes. Si la communauté française apprécie les maisons méditerranéennes toutes blanches ou avec des briques, les Russes optent plutôt pour les formes contemporaines plus audacieuses. Le « pied dans l’eau », c’est-à-dire avec accès privé sur la plage, demeure une denrée précieuse. Pour sa part, Sotheby’s International n’en a que deux en vente en ce moment à des prix allant de 7 à 8 millions.

Le domaine privé, clos et gardienné 24 heures sur 24 à la mode de Sperone, en Corse, n’est pas encore familier de la côte catalane, mais il commence à percer, Comme à Aiguablava, près de Begur. Ou à proximité de Gerone, dans un resort dédié au golf développé par PGA Catalunya. Le propriétaire, l’entrepreneur irlandais Denis O’Brien, un fou de golf, met en vente des parcelles à partir de 365 000 euros. Bénéficiant d’une architecture très moderne, la villa de luxe, avec maisontémoin, s’enlève pour 695000 à 2,3 millions. Un tapis vert coté, « premier d’Espagne et troisième d’Europe », commente le promoteur. Comme chaque année en mai, le parcours accueillera le Spanish Open.Finalement, la crise a eu des bons côtés en Catalogne. Les prix ont retrouvé un certain réalisme. Le marché semble plus sain, mais pour combien de temps encore ?