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Les domaines viticoles ont la côte

Les domaines viticoles ont la côte

Dans le Var, cette propriété à trente-cinq minutes de Cannes et à trois minutes d'un golf, produit un vin d'exception

80 % des domaines viticoles se négocient entre 2 et 4 millions d’euros, mais la cote des prestigieux fleurons ne cesse de grimper et le marché a considérablement mûri, envoûtant de plus en plus d’amateurs éclairés.

On vient de Suisse, du Royaume-Uni et des États-Unis pour s’offrir des vignes tricolores. Des fortunes chinoises affluent dans le Bordelais. L’année dernière, une quinzaine de vignobles sont passés sous leur contrôle. “Ce sont surtout de belles pierres. On dirait le château de la belle au bois dormant”, constate un agent immobilier, quelque peu surpris que la notoriété des appellations n’entre pas davantage en compte. Mais le côté “carte postale” des vignobles de l’Hexagone fait rêver. Car 40 % des acquéreurs viennent de pays autres que la France.

L’ART DU VIN. Dans le petit monde du CAC, les vignes d’exception font fureur. Comme jadis les écuries de courses, ce sont des symboles de réussite. On acquiert un fleuron pour sa gloire. On le modernise avec art, question d’image ! L’un des plus beaux exemples : Cheval Blanc, la propriété de Bernard Arnault et du baron Frère à Saint- Emilion. Le chai, relooké par l’atelier de Christian de Portzampac, a été sublimé en monument d’architecture contemporaine, de design et d’écologie. Tout aussi impressionnante : la rénovation à Saint- Estèphe du Château Cos d’Estournel, confiée à Jean-Michel Wilmotte par le propriétaire des lieux Michel Reybier, l’industriel reconverti dans la vigne et l’hôtellerie. En bâtisseurs, Martin et Olivier Bouygues ont attaqué la réhabilitation haute technologie et environnementale de Château Montrose, leur vignoble du Médoc, deuxième grand cru classé au classement de 1855.

UN CÔTÉ CINÉMA. Certains vignerons sont tellement célèbres qu’ils pourraient signer des autographes. Ce sont de belles fortunes du spectacle et du sport. Le plus glamour, le couple des “Brangelina”, produit un vin réputé sous appellation AOC côtes-de-provence et coteaux-varois-en-provence. Le moins chanceux, Michael Schumacher, a revendu ses 15 hectares à Saint-Raphaël, faute d’obtenir le permis de construire un caveau. En réalité, rares sont les people qui s’impliquent dans la vitiviniculture. Il s’agit plutôt d’éditer une cuvée à son nom ; ou d’acquérir des parts dans des domaines. Voire carrément de faire du business, comme Gérard Depardieu. Car, sous leur aspect ludique, les vignobles sont des placements fonciers fructueux. “En une vingtaine d’années, le prix moyen de l’hectare a triplé”, confirme Vinea Transaction, un réseau immobilier très au fait des domaines viticoles. Mieux, celui des crus AOP a quintuplé.

UNE VISÉE INTERNATIONALE S’il est une activité qui tire parti de la mondialisation, c’est pour le moins le secteur viticole français, dont le chiffre d’affaires à l’export a encore augmenté de 9 % en 2011. “Depuis dix ans, nous exportons en valeur l’équivalent de 130 Rafales chaque année”, se félicite la fédération des exportateurs de vins et spiritueux. Les professionnels - presque la moitié des acquéreurs de vignobles -, veulent atteindre une taille critique à l’international. Et, pour cela, ils recherchent du sourcing. Tel le Bourguignon Vincent Sauvestre (établissements Béjot), qui se diversifie dans le Sud de la France. Ou le Bordelais Bernard Magrez, propriétaire de quarante châteaux. Trois fleurons du Bordelais viennent de tomber dans sa collection, dont Château-Malleprat (pessacléognan), réhabilité par la famille Cots. Des challengers, “faux retraités” et vrais passionnés, se mettent sur les rangs des terroirs à fort potentiel. Après avoir réussi dans leur activité, ils se lancent dans la vigne avec le même esprit pionnier. À moins de bénéficier d’une solide capacité financière, le besoin de trésorerie se fait rapidement sentir pour s’offrir les conseils d’un oenologue, patienter sans l’ombre d’un stock et, en commercial acharné, faire le tour des salons du vin. “La vigne vous rend ce que vous lui donnez”, remarque Thibault Langloÿs (Emile Garcin Vignobles).

DES « HOBBIES VIGNERONS ». Conciliant demeure d’agrément et vignoble, la petite propriété séduit une clientèle qui ne cesse de croître. Ce sont souvent des citadins en quête d’une maison de vacances, qui s’offrent en prime le plaisir de signer leurs bouteilles. Bien sûr, la connaissance du vin est leur hobby de longue date. Michel Veyrier, fondateur de Vinea Transaction, cite l’exemple d’un de ses clients : un Parisien pur jus, vivant sur une péniche, est devenu, pour un million d’euros, le bienheureux propriétaire d’un mas avec 2,5 hectares en appellation ventoux. “Les projets minimalistes tournent autour de 700000euros”, estime-t-il en rappelant que “le bon achat doit être zéro nuisance et sortir de la banalité, avec souvent une allée de cyprès, de pins ou de marronniers et toujours une belle vue.” A éviter comme un mauvais virus de la vigne : la petite route tranquille qui se transforme en passage embouteillé à partir de 17 heures ! Pour le vignoble, deux hectares et demi suffisent. Cela produit 7000 bouteilles, un stock qui s’écoule assez rapidement. Parmi les régions à prospecter : le Val-de-Loire et ses petites appellations ; le Bordelais, où les démembrements lors des successions donnent accès à des bases foncières de 4 à 10 hectares ; la vallée du Rhône, où l’on peut dénicher un mas du XVIIIe siècle entouré de 5 à 6hectares. Il n’y a pas de doute, la vigne est un business. Et un peu le casino, où l’on joue contre la grêle et les maladies. Mais quel plaisir de vivre comme un gentleman-farmer en rase campagne dans des paysages idylliques ! Un retour à la terre auprès de “ses” cuves, “ses” fûts et “ses” vignes. Les Romains élevèrent Bacchus au rang de dieu. Comme ils eurent raison !

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